Attention : le club a déménagé au 55 avenue Kellermann à Saint-Gratien !

[N3 ronde 4] – La Leçon

Non, le titre de ce compte-rendu ne fait pas référence au score du match. Les instructions du président étaient claires : ne pas froisser ses habituels compagnons de chambrée du championnat de France. Je ne le ferais pas non plus le match terminé.

Ce titre ne se rapporte pas à la première victoire de Géraldine en interclubs cette saison. Certes, Girondine a pris l’initiative dès les premiers coups, puis a augmenté peu à peu son contrôle du centre, poursuivi par une attaque à l’aile roi et conclu par une jolie petite combinaison apportant ainsi le premier point à l’équipe mais je souhaitais vous parler d’autre chose.

Il ne s’agit pas non plus du film gore dont j’ai entrevu quelques images au premier échiquier à côté duquel « massacre à la tronçonneuse » ferait figure de conte de fée. Assaut immédiat, sacrifice de pion puis de fou et, pour finir, le roi noir achevé au milieu de ses pièces n’ayant pas quitté leur case d’origine. Une miniature interdite au moins de dix-huit ans par un Baroudi inspiré.

Ça aurait pu être la façon avec laquelle Réda traita une ouverture mise à la mode par Nigel Short. La domination stratégique agrémentée de petites pointes tactiques et couronnée d’une percée à l’aile dame était un modèle du genre.

Ou encore, dans un autre registre, celle d’Olivier R. qui fit trôner un fier destrier au centre de la position adverse pour l’emporter, je ne me souviens plus trop comment, mais sans passer par la case zeitnot et sans recevoir deux mille micromètres cube d’adrénaline.

Il ne s’agit pas non plus de mon petit tour de passe-passe qui transforma un pion e5 menacé d’échange en pion f3 passé et protégé (je revois encore l’expression perplexe du Gangster s’interrogeant sur le déroulement de la partie depuis la position qu’il avait observé quelques minutes plus tôt).

Le titre du compte-rendu ne se rapporte pas davantage à la tranquille assurance d’Emmanuel qui, avec seulement une poignée de secondes affichées à son cadran, maîtrise les complications tactiques qu’il a lui-même créé pour couronner sa domination stratégique.

Non. Je souhaitais vous décrire la leçon que j’ai reçue d’Olivier B. et d’Abdelkader. Ou plus précisément, les leçons car les cas sont assez différents.

Nous avons tous perdu des dizaines de parties (voire des centaines pour les plus « expérimentés » d’entre nous). Parmi celles-ci, on en trouvera aisément certaines où, face à un adversaire nettement plus aguerri, nous avons été laminés, essoré, écrabouillé, où nous n’avons simplement pas existé. Et si, de surcroit, l’adversaire a partagé quelques minutes avec nous pour analyser la partie, nous nous sommes rapidement rendu compte que nous ne jouions pas au même jeu que lui. Dans de tels cas la défaite relève de l’évidence et ne nous touche pas vraiment car c’était dans l’ordre des choses.

Mais, lorsqu’après un début raté, nous avons renversé la situation avec énergie et précision, et obtenue une position dans laquelle notre adversaire en est réduit à tenter le tout pour le tout par une attaque désespérée sur notre roque pour retarder l’inévitable, puis à court de temps en raison de l’énergie dépensée auparavant, une défense à peine cachée de l’ultime tentative adverse nous échappe jusqu’à l’affichage du 0:00 fatidique, alors la défaite a un goût bien amer.
Je me vois serrant les dents, d’une moue dépitée, incapable de parler pendant plusieurs minutes, puis répondant par grognements et borborygmes à adversaires et partenaires.

C’est donc avec admiration que j’ai vu Olivier B. qui venait de subir la mésaventure décrite ci-dessus, tendre la main vers son adversaire et le féliciter avec un large sourire aux lèvres. Et de commencer d’analyser cette passionnante partie en toute décontraction sans montrer le moindre signe d’amertume.

Et comment réagissez-vous quand, après un bras de fer de plus de cinq heures, durant lesquelles vous avez peu à peu et avec de grandes difficultés pris l’ascendant sur votre adversaire, et êtes sur le point de porter enfin l’estocade, lorsque soudain, victime d’un incroyable aveuglement, vous commettez l’irréparable bévue, l’énorme gaffe qui réduit à néant vos heures d’efforts ?
Certains poussent un cri rageur pour évacuer immédiatement leur frustration, d’autres balaient l’échiquier d’un geste furieux, d’autre encore restent prostrés de longues minutes sur leur chaise, insensibles aux paroles réconfortantes de leurs équipiers.

Quand cette cruelle mésaventure est arrivée, Abdelkader a simplement stoppé la pendule, tendu la main vers son adversaire et signé la feuille de partie avec la plus sobre dignité.

Monsieur Betton, monsieur Oukas : merci pour cette leçon. Puissè-je réagir à votre manière la prochaine fois.

Et merci monsieur Betton, merci monsieur Oukas, votre comportement fait honneur à notre équipe.

3 commentaires.

  1. Un grand bravo messieurs !
    C’est aussi et surtout l’esprit de l’équipe, c’est là toute sa valeur, en plus de son talent !

  2. Belle attitude.

  3. C’est fort aimable et très touchant, merci capitaine.

    Et bonne année à tous !

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