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[N3] Ronde 9 – Arbitre : un vrai métier

Compte rendu de l’audition de M. Antoine K devant la COFEROAD (Commission Fédérale de Rappel à l’Ordre des Arbitres Défaillants)

—     M. Antoine K, savez-vous pour quelle raison la COFEROAD, composée de moi-même exclusivement, vous a convoqué en ce jour ?

—     Pas la moindre idée, M. le Directeur…

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—     Vous reconnaissez bien être arbitre fédéral de niveau 4 ?

—     Euh oui, bien que par moments il m’arrive de me demander pourquoi j’ai passé l’examen.

—     Nous aussi.

—     …

—     M. K, vous avez été convoqué en raison de vos graves manquements lors du match Cergy-Enghien de la 9e et ultime ronde de Nationale 3 de la saison 2014-2015.

—     Ah oui, ce match…

—     J’ai ici une déclaration d’un témoin qui affirme qu’à 15 h passées de quelques minutes, à l’injonction « M. l’Arbitre, c’est quand vous voulez pour lancer le match », vous auriez répondu « Mais au fait, c’est qui l’arbitre aujourd’hui ? ». Reconnaissez-vous les faits ?

—     Je les reconnais.

—     Vous ignoriez donc que vous étiez arbitre de ce match ?

—     C’est-à-dire… Je le savais, mais j’avais oublié.

—     Par ailleurs, pouvez-vous m’expliquer pourquoi le match a été lancé après 15 h, soit plus de 45 minutes après l’heure légale maximale ?

—     Ben en fait, c’est un peu long à expliquer… mais bon, il faisait beau, les joueurs des deux équipes papotaient dehors… il n’y avait plus d’enjeu puisque nous ne jouions plus pour la montée et que Cergy ne pouvait plus se maintenir… Et puis…

—     Et puis quoi ?

—     Eh bien, il manquait des joueurs… surtout chez nous… on a un joueur qui a oublié de venir au rendez-vous, du coup on a dû en appeler un autre, mais bon, vu qu’il est parti à 14 h de chez lui, et que de nos jours il y a des limitations de vitesse sur l’autoroute…

—     Et donc vous avez attendu les retardataires ? Savez-vous que c’est interdit par le règlement qui stipule – article 2.3 – que l’heure de début est 14 h 15 ?

—     Certes, M. le Directeur, mais sauf votre respect, je vous rappelle qu’à ce moment précis j’avais oublié que c’était moi l’arbitre.

—     Évidemment. Donc vous lancez la ronde et là, que se passe-t-il ?

—     Un joueur de Cergy me demande s’il peut garder son téléphone allumé (oh, pas plus d’une demi-heure – une heure) parce qu’il attend un coup de fil important.

—     Et donc, que faites-vous ?

—     Ben, je dis oui.

—     Mon Dieu… mais vous connaissez pourtant l’article 11.3.b !

—     Oui mais là je pouvais pas leur refuser, ils avaient été si gentils d’attendre que tous nos joueurs soient là.

—     Je rêve. Et donc, si par exemple deux joueurs de l’équipe adverse vous avaient dit pendant la partie : « on prend la voiture 5 minutes pour aller acheter des boissons », vous auriez fait quoi ?

—     Pareil… Le match était sans enjeu. Et puis on les connait bien, les joueurs de Cergy. C’est pas des tricheurs.

—     Mais vous n’arbitriez pas un tournoi de petits poussins ! C’était une rencontre officielle de Nationale 3 ! Vous vous rendez compte que c’est un match sérieux ?

—     Ben oui, d’ailleurs on a joué sérieusement. Par exemple Rémi, pour sa 2e partie officielle avec nous, a réussi à rétablir plusieurs fois l’équilibre face à son expérimenté adversaire, avant de s’incliner de haute lutte. De même, Réda a fait une partie super propre et a puni avec une grande rigueur une fantaisie adverse. Sans parler de Kader, qui nous a sorti une prestation chirurgicale des grands jours… Simple, précis, efficace…

—     Certes, certes, M. K, mais nous nous égarons. Vous n’êtes pas en train de faire un compte rendu du match, vous êtes auditionnés par la COFEROAD. Reprenons. Au bout d’une heure et demie de jeu, on vous appelle à l’échiquier 5.

—     Oui, les deux joueurs avaient joué 30 coups et les cadrans indiquaient 4 min contre 3 min. Les secondes défilaient aussi vite que les pièces de Tetris au level 100. C’était un peu gênant.

—     Certes.

—     J’ai donc demandé une autre pendule.

—     Et quels temps leur avez-vous donnés ?

—     J’ai fait un petit calcul simple. Il était 16 h 41. Le match avait démarré à 15 h 07 et 30 coups avaient été joués. Les blancs avaient 126 points de moins que les noirs, la puissance de 2 la plus proche est donc 128. J’enlève 126 à 128 et j’obtiens 2. La 2e lettre de l’alphabet grec est bêta, et l’âge de notre capitaine est de 55 ans. Les temps à rentrer dans la nouvelle pendule sont donc 1 h pour les blancs et 1 h pour les noirs.

—     Exact, mais vous n’avez pas tenu compte de la vitesse du vent ?

—     Si, dans le terme correctif dû à a force de Coriolis.

—     Erreur, vous n’aviez pas le droit, votre référentiel est galiléen !

—     Oh, oui, pardon.

—     Votre manque de rigueur me désespère. Vous êtes donc retourné à votre table.

—     Ben oui, j’avais une partie à jouer et elle était équilibrée, à l’image du match. À l’échiquier 3, le Chef était tombé sur un adversaire inspiré et était mal (il a d’ailleurs fini par perdre). À l’échiquier 5, celui avec le problème de pendule, Alain revenait de l’enfer après avoir survécu à une attaque de la mort qui tue et qui fait vraiment mal. Et c’est alors qu’on m’appelle à l’échiquier 8.

—     Encore pour un problème de pendule ?

—     Oui, 40 coups avaient été joués et le temps additionnel n’avait pas été ajouté.

—     Qu’avez-vous fait ?

—     Rien. Je leur ai dit d’attendre qu’un des joueurs tombe vraiment.

—     Pour une fois, vous avez pris la bonne décision.

—     Vraisemblablement ils n’avaient appuyé que 39 fois sur la pendule. Donc j’ai pu retourner à mon échiquier mais mon répit fut de courte durée. Je fus appelé de nouveau à l’échiquier 8 où Mokhtar venait de jouer un coup illégal et s’apprêtait à abandonner.

—     Et alors ?

—     Je lui ai rappelé l’article 7.5.b, qui stipule que c’est seulement au 2e coup illégal que la partie est déclarée perdue. De toute façon, sa position était foutue, malgré sa résistance héroïque.

—     Et c’est tout ?

—     Oui, je suis allé me rasseoir à mon échiquier car il fallait bien que je m’occupe un peu de ma partie, non ?

—     Et vous n’avez rien oublié ?

—     …

—     Les deux minutes ! Vous devez ajouter deux minutes à l’adversaire du joueur qui a fait un 1er coup illégal !

—     Ah oui, zut.

—     Bon, continuons. Que s’est-il passé ensuite ?

—     J’essayais de réfléchir à ma position quand je fus mandé de nouveau à l’échiquier 5. La pendule avait ajouté 40 minutes après le 40e coup au lieu de 30 minutes.

—     Dites plutôt que c’est vous qui avez mal re-réglé la pendule suite au premier incident.

—     J’avoue.

—     Et laissez-moi deviner… vous n’avez rien fait, c’est ça ?

—     Mais M. le Directeur, il fallait que je joue ma partie !

—     Et votre partie était plus importante que l’article 6.10.b ? Belle conception de l’arbitrage, je vous félicite ! Et donc, votre partie, pour laquelle vous avez sacrifié votre honneur d’arbitre ?

—     Finalement mon adversaire m’a proposé nulle dans une position où aucun de nous ne peut progresser.

—     Tout ça pour ça !

—     Et donc à ce stade, le score était de 3-3 et seule restait la partie de Manu, qui, comme la veille allait décider du sort du match. Pauvre Manu, toute cette pression ! Heureusement pour lui, il avait une finale de tours très avantageuse.

—     Qu’avez-vous fait pendant que cette dernière partie s’achevait ?

—     Je suis allé piqué un Roudor au Chef et je me suis confortablement installé pour ne rien rater du spectacle et de la jolie conversion de Manu.

—     Mais bougre d’emplâtre ! Votre devoir en tant qu’arbitre est de surveiller la pendule et de noter les temps régulièrement, au cas où il y aurait un problème avec la pendule !

—     Vous savez, M. le Directeur, à ce moment, les pendules, je ne pouvais plus les encadrer. Je voulais juste voir Manu marquer le point de la victoire pour un score final étriqué de 4 à 3 !

—     Heureusement que le match ne s’est pas prolongé. Je me demande combien d’articles supplémentaires vous auriez enfreints ! Vous comprenez que votre comportement appelle une sanction de ma part ?

—     Oui, M. le Directeur.

—     Voici donc mon verdict. M. Antoine K, par vos multiples erreurs, vous avez porté préjudice à l’ensemble du corps arbitral. En vertu des pouvoirs que je me suis moi-même accordés, je vous condamne donc… à rester arbitre une saison de plus !

—     Pitié, M. le Directeur, tout mais pas ça !!

7 commentaires.

  1. Hé bien ! C’est pire que je croyais.
    Trop occupé à essayer de sauver ma poubelle, j’ai loupé plusieurs “incidents”.
    Enfin, c’est toujours mieux de jouer dans une ambiance sympa. Donc merci aux joueurs de Cergy. Et bravo Monsieur le Président pour le CR.

  2. Sinon j’ai bien aimé le début hyper-hyper-hypermoderne entre Georges et Rémi :
    1.d4 (solide) 1…Cc6 (… Flûte ! Je me suis trompé de cavalier) 2.Fg5 (Je fais comme si j’avais rien remarqué)

  3. Je dirais même plus, bravo Monsieur le Président pour le CR :)

  4. Ah ah pauvre arbitre 😀

  5. Et je ne me suis pas trompé de cavalier :p

  6. Magnifique compte-rendu. J’attends avec impatience l’adaptation au cinéma : un remake de “La chèvre” dans le monde des échecs. Autant d’incidents de jeu en un seul match, c’est phénoménal ! Pierre Richard peut aller se rhabiller.

  7. C’est vrai que c’est un scénario autrement plus palpitant que celui du “Tournoi” actuellement en salles !

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