N3 R8 Un compte rendu végétarien
À moins que vous ne viviez dans une caverne (avec accès Internet toutefois) ou dans une bulle informationnelle tapissée d’infox, vous savez sans doute que la réduction de consommation de viande est une nécessité absolue pour surmonter les défis qui se présentent à l’humanité. Pour vous relater le match contre Franconville de la ronde 8 de N3, L’Échiquier du Lac, pleinement conscient de ces enjeux, vous propose donc, pour la première fois à notre connaissance dans le monde échiquéen, un compte rendu entièrement végétarien.
Notre bien-aimé Président aura joué une partie mi-figue mi-raisin. Pourtant, il avait réussi à échanger méthodiquement toute pièce blanche commençant à devenir menaçante, et les tentatives de son adversaire de prendre l’initiative firent chou blanc. La partie s’orienta vers une finale de pions équilibrée, et Alain continua de proposer des liquidations :
1… h4?
Il y a un pépin avec ce coup, le voyez-vous ?
2. fxg5+ Rxg5 3. g4?
Les blancs renvoient l’ascenseur et la position est à nouveau nulle. Cependant 3. Rf3 gagnait ! (diagramme)
Les finales de pions peuvent rapidement tourner au vinaigre. L’idée des blancs est simplement de prendre en h4 puis protéger le Ph3, après quoi ils ont le pion passé éloigné et une finale aisément gagnée.
Pendant ce temps, Paul, notre champion en herbe, essayait de faire en quelque sorte l’opposé d’Alain en tentant de déstabiliser une position très fade, sans toutefois prendre des risques inconsidérés. Entre ces deux attitudes, pour couper la poire en deux, Paul envoya sa dame poser quelques questions pas si innocentes aux pièces noires, mais son adversaire sut trouver des réponses satisfaisantes. Voici la position finale, dans laquelle la nulle est conclue :
La pièce de plus des blancs compte évidemment pour des prunes, puisque les noirs vont faire échec perpétuel. Les flèches vertes illustrent les mouvements de la dame (d1-d3-b5-c5-b5-e2-b5-d3) et montrent bien qu’elle n’est pas restée là à poireauter.
La troisième et dernière nulle de ce match fut le résultat d’un combat plus mouvementé entre Olivier B et un ex-coéquipier, où aucun joueur ne put tirer les marrons du feu. Après un début de partie équilibré, les deux adversaires se retrouvèrent rapidement en zeitnot et durent appuyer sur le champignon. C’est le Franconvillois qui se trompa le premier avec un coup intermédiaire fautif :
Au lieu d’échanger les fous, les blancs viennent de jouer 1. f5? Voyez-vous ce qui ne va pas ?
Olivier ne voulut pas être en reste et plaça lui aussi un zwischenzug avec 1… Fd6+? avant de bouger la tour, mais avec 1…Txc6!, les blancs aurait pu manger leur pain noir : 2.bxc6 Fxe3 et le Pe4, soutenu par les deux magnifiques fous, est bien plus fort que le Pc6. Après quelques escarmouches supplémentaires autour du 40e coup, les deux adversaires se quittèrent bons amis.
Dragan, avec les noirs, dut faire face à un gambit rarissime au 3e coup. Ne sachant certainement pas si c’était un sacrifice à la noix ou une vraie innovation soutenue par l’intelligence cybernétique, il dut s’orienter à l’intuition après la prise du pion offert. Un double aveuglement survint très tôt dans la partie :
Les blancs viennent de reprendre en d4 du mauvais cavalier et Dragan, sans doute perturbé, répond par le naturel 1…Cc6? Il y avait pourtant un coup qui (une fois qu’on l’a vu) semble bête comme chou et qui aurait pu mettre un terme immédiat à la partie : 1…e5, avec 1…e4 dans la foulée, et les carottes auraient été cuites pour les blancs.
Dans la suite de la partie, les noirs s’accrochent à leur pion de plus sous les coups de boutoir des blancs qui tentent de secouer la position de Dragan comme un prunier. À l’approche du 40e coup, l’Enghiennois craque sous la pression et se prend une grosse châtaigne qui le force à déposer les armes.
Olivier R nous aura livré une partie positionnelle aux petits oignons. Imperceptiblement, les noirs sombrent dans une position très difficile. J’en veux pour preuve que l’ordinateur évalue déjà la position suivante comme nettement avantageuse pour les blancs :
La tentative de libération des noirs par 1…Cd4 échoue et Olivier développe un plan bien huilé qui aboutit à un gain rapide de la partie. Nous devrions tous en prendre de la graine !
Quant à Nathan, on ne va pas vous raconter de salades non plus : lui aussi aura rapidement été en position dominante, à tel point que, dans la position suivante, les noirs se sentent déjà obliger de recourir à une action désespérée avec 1…f5.
Nathan sut tuer dans l’œuf [NDLR : pour un compte rendu entièrement végan, vous pouvez remplacer par « éradiquer à la racine »] toute velléité de contre-jeu et, quand il joua un ultime coup de domination qui gagnait une pièce, les noirs en eurent trop gros sur la patate et abandonnèrent.
Benoît eut fort à faire face à un adversaire moins bien classé, mais le Chef sait que dans ces situations il ne faut surtout pas prendre le melon. Il gagna une qualité dans le milieu de jeu mais du faire face à une activité débordante de cavaliers noirs très pêchus, qui menaçaient à tout moment d’enfariner son roi un peu trop exposé au centre. Le Chef parvint à juguler cette énergie puis à contre-attaquer :
Dans cette position, saurez-vous trouver le mat en 8 coups des blancs ?
Enfin, que dire sur ma partie ? Il y a 15 ans, j’avais perdu deux fois de suite de manière très rapprochée avec les noirs contre l’adversaire que je rencontrai à nouveau, toujours avec les noirs… Même adversaire, même couleur, même ouverture qu’il y a 15 ans… même résultat ? Non, halte à la fatalité ! J’eus la chance de pouvoir prendre l’initiative et de poser des problèmes difficiles aux blancs. Toutefois, je ratai une manœuvre gagnante dans le milieu de jeu et mon adversaire revint dans la partie. Il me fallut remettre du jus pour ne pas pédaler dans la choucroute, et la position suivante apparut :
1…Cf4 Ce coup est trop tentant 2.Fxf4 exf4 3.Cxe4 Plus ou moins forcé, car sinon le duo central de pions noirs, soutenu par la paire de fous, serait dévastateur. Les blancs souffrent mais ont gagné un pion. Toutefois, il semblerait que 3…Te8 signe la fin des haricots pour ce pauvre cavalier, car la contre-pointe 4.Cf6+ ne fonctionne pas, la Te8 étant bien protégée 4.f3 f5
5.Dc4+ Eh non, ce n’est pas fini ! Rh8 Seul coup pour rester gagnant… et même, pour ne pas perdre ! 6.Db3 Les blancs rendent coup pour coup (6.Db4 était cependant un peu plus résistant) 6…Db7 Protégeant le fou et installant la terrible menace Fg1+ gagnant la dame
7.Cc5 Attaquant la dame, visant la Te8, ôtant le cavalier du clouage tout en parant la menace Fg1+. Que demander de plus à un coup ? Les noirs se seraient-ils fait retourner comme une crêpe ? 7…Txe1 Et voici la cerise sur le gâteau : la dame est imprenable car Fg1-f2-g3 mate. Les blancs abandonnent.
Et c’est ainsi que l’équipe s’imposa 4-1 contre nos voisins de Franconville, qui n’ont pas eu beaucoup de chance cette saison… contrairement à nous, mais je laisse le Chef vous raconter cela dans le compte rendu de la ronde 9. D’ici-là, mangez des fruits et des légumes !
Merci Antoine pour ces analyses.
Mais surtout, merci de démontrer qu’il est de loin préférable de végétarieniser les comptes-rendus que les repas d’avant-match (cf. https://www.echiquierdulac.fr/?p=3915 le CR saignant)
Posté par Benoit le 18 avril 2025.
Merci Antoine pour ce compte-rendu très plaisant à lire!
Posté par Nathan le 18 avril 2025.
Merci beaucoup ! Je n’ai pas pris le temps encore d’analyser ma partie, et donc mon loupé en zeitnot (qu’on avait bien senti mon adversaire et moi).
Posté par Olivier B. le 20 avril 2025.