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[N3 ronde 5] – « Je démissionne ! » Entretien exclusif avec le capitaine de l’équipe 1

En exclusivité pour le site de l’échiquier du lac, notre grand reporter Jean-Raoul Maisonblanche a réalisé cet entretien avec le capitaine de l’équipe 1 de l’échiquier du lac à chaud, juste après le match remporté difficilement par l’échiquier du lac ce dimanche contre Potemkine. Le voici retranscrit fidèlement ci-dessous.

– Bonjour Benoît.
– Bonjour. (NDLR : grimace et ton bougon)
– Malgré votre convaincante victoire, et celle de l’équipe – certes un peu moins convaincante – vous semblez mécontent.
– Je ne suis pas mécontent, je suis excédé ! C’est une équipe de lâches ! De lâches et surtout de tortionnaires ! (Benoît remets un troisième sucre dans sa tisane de fruits rouges et tourne rageusement la cuillère.)
– Ces mots sont un peu forts non ?
– Pas du tout ! C’est la triste réalité. Je le soupçonnais depuis quelques temps mais j’en suis maintenant tout-à-fait convaincu. J’en tire les conclusions qui s’imposent : je démissionne.
– … Pardon ? (J’avoue que malgré ma grande expérience des entretiens de personnalités très diverses, je suis resté quelques secondes sans voix) Pourriez-vous expliquer à nos lecteurs vos griefs, les raisons de votre démission ?
– Je ne veux plus gérer cette équipe. Ce sont des lâches. Ils tergiversent, font durer leurs parties plus que de raison, calculent et recalculent des variantes au mépris de mes recommandations…
– Vous les accusez d’être toujours en zeitnot ? De ne pas jouer assez vite ? De bien peser chacun de leur coup ?
– Oui. Non. Oui. Enfin, il ne s’agit pas de cela. Il s’agit de tous ces atermoiements, de ces feintes hésitations, de tous ces subterfuges inadmissibles pour faire durer les parties plus que de raison.
– Vous pensez qu’ils ne sont pas assez précis durant la phase d’exécution de leur avantage ?
– Mais non ! (excédé) Enfin si. Ils ne sont pas précis mais ils le sont à dessein ! (ces deux derniers mots furent prononcés presque en criant avec l’index frappant la table à chaque syllabe)
– Mais pourquoi ? Pourquoi retarder l’abandon de l’adversaire au risque de ne pas remporter la partie ?
– Parce que ce sont des lâches ! Et accessoirement des tortionnaires…
– Je ne comprends pas.
– Mais c’est évident. Ils ont chacun leur petite mesquinerie : obtenir une position gagnée mais échanger la pièce qui fera la finale la plus longue, laisser à l’adversaire mille et une menace de pat pour faire croire à une position complexe, laisser l’adversaire se construire une forteresse puis faire semblant d’essayer de gagner, j’en passe et des pires.
– Je ne comprends toujours pas dans quel but vos équipiers rallongeraient délibérément leur partie.
– Mais le compte-rendu voyons ! Le compte-rendu ! Le compte-rendu ! (en criant presque et nouveau martèlement de la table avec l’index à chaque syllabe.)
Personne ne veut rédiger le compte-rendu, alors ils s’ingénient à faire durer leur partie pour pouvoir disposer d’un alibi facile : « je n’ai pas pu suivre les parties tellement j’étais plongé dans la mienne ». Et comme j’ai eu la faiblesse de céder deux ou trois fois à cet argument fallacieux, ils en profitent éhontément.
Et notez bien je ne leur demande pas d’écrire « Notre Dame de Paris », ou « Cyrano de Bergerac », juste un petit compte-rendu sur le déroulement du match. Pas davantage un article candidat au prix Albert-Londres, seulement quelques lignes indiquant les résultats individuels et le score final pour ceux qui ne savent pas compter.
– Mais…
– Ah ça, pour dire : « le capitaine a marché dans une crotte de chien, faudra le mettre dans le compte-rendu » ils sont très forts ! Mais pour la rédaction, y’a plus personne !
Et il y a pire encore… Avez-vous suivi le match ?
– Oui, oui. C’était assez passionnant.
– Passionnant ? Passionnant ? (levant les yeux au ciel) Passionnant ? (secouant la tête de dépit).
– Oui passionnant : j’ai vu une victoire propre de Kader qui a saisit l’occasion de gagner du matériel lorsqu’elle s’est présentée, a continué de jouer actif et a placé un joli mat.
– OK. Kader n’a rien à se reprocher sur ce match. Mais prenez Géraldine : elle joue un début propre, ne joue pas trop vite, prend peu à peu l’avantage. Je me dis « Chouette ! Elle confirme sa bonne prestation de la ronde précédente » Et patatras ! Quand je reviens, elle a lâché une pièce. Sur une combinette à deux balles qu’elle verrait en quinze secondes au club.
Et Laurent ! Laurent !
– Oui Laurent ne semblait pas en forme aujourd’hui.
– Pas en forme, Laurent ! Mais c’est du sabotage ! (levant les bras au ciel) Et que je te joue des coups timorés, passifs et que je te ruine la structure de pions, et que je t’échange toutes les pièces. A-t-on jamais vu joué Laurent comme ça ? C’est évident : ces deux défaites étaient dé-li-bé-rées ! (nouveau martèlement de la table avec l’index à chaque syllabe.) Je les soupçonne même de s’être donné le mot avant la partie.
– ? (Mine perplexe de votre serviteur)
– Mais oui ! Délibérées ! J’ai eu la faiblesse d’accepter quelques fois de rédiger le compte-rendu en remplacement d’un joueur qui avait perdu sa partie. Et maintenant, ils en profitent ! Ils vont même jusqu’à faire exprès de perdre pour passer outre.
N’ai-je donc pas entièrement raison de les accuser de lâcheté ?
– Hum… Je ne suis pas entièrement convaincu mais admettons. En revanche pourquoi les traiter de « tortionnaires » ?
– Ils cumulent la lâcheté avec la torture. À ce niveau là, ce n’est plus de la méchanceté, c’est de la torture.
– Mais de quelle torture parlez-vous ?
– Et vous dîtes que vous avez suivi le match ?
– Oui oui. Il y avait donc deux partout après trois heures de jeu, et les quatre parties restantes étaient très indécises.
– Et voilà ! C’est bien ce que je disais : c’est de la torture ! Vous savez je n’ai plus vingt ans. D’ailleurs j’ai remarqué que pour ce match nous n’étions que deux à posséder un numéro de licence qui commence par A : le capitaine adverse et moi-même (N.B. Depuis le début des années 80, le numéro fédéral est composé d’une lettre et de cinq chiffres, la lettre indiquant l’année de prise de la première licence.) Mon cœur est fragile et mon estomac me cause quelques soucis.
– J’en suis bien sûr désolé pour vous mais je ne vois pas le rapport.
– Mais vous dites que vous avez suivi les parties, vous avez donc bien vu ce qu’ils faisaient ! Depuis le vingtième coup, ils attendaient que leur pendule affiche moins d’une minute pour jouer ! Et moi de crier in petto « Mais joue ! Joue n’importe quoi mais joue un coup ! » Et mon rythme cardiaque qui faisait un bond et mon ulcère qui se rappelait à mon bon souvenir à chaque coup. C’est pas de la torture ça ?
– Vous ne pouvez pas accuser Alain d’être en zeitnot : au quarantième coup il avait encore plus d’une heure à la pendule.
– Non Alain a un autre problème : il suit les cours d’Olivier Renet.
– ? (grand étonnement de votre serviteur)
– Vous n’étiez pas là vendredi soir, vous ne pouvez pas comprendre. Olivier a montré une partie durant laquelle les noirs ont effectué le traditionnel sacrifice de qualité en c3. Et bien maintenant Alain croit qu’un fou est plus fort qu’une tour. Il donne des qualités à toutes ses parties : samedi lors du TSR et aujourd’hui rebelote ! Aucune compensation et mon ulcère qui se réveillait.
– Pour conclure, donc pour vous, à part le résultat final, aucun motif de satisfaction aujourd’hui et votre démission est irrévocable ?
– Si heureusement ! Réda est venu supporter ses équipiers – qui ne le méritaient guère, et Baroudi et Emmanuel qui étaient absents se sont enquis du résultat il y a quelques minutes. Ça fait chaud au cœur. Je vais réfléchir quelques temps et selon les résultats des équipes qui nous précèdent, je laisserai une dernière chance à cette équipe.
– Nous allons terminer sur cette note d’espoir. Merci Benoît pour cette interview et bonne soirée.
– Bonne soirée Jean-Raoul.

Jean-Raoul Maisonblanche en exclusivité pour l’échiquier du lac.

5 commentaires.

  1. Bravo Kptain !

    pour ta manière originale de traiter ce
    match-sables-mouvants dont nous sommes sortis péniblement.

    j’ai bien ri – à la lecture, pas pendant le match 😉

    A bientôt
    Olivier

  2. Le Capitaine ” Newlook” m’a un peu épargné certes mais j’ai intérêt à faire gaffe dans le futur :)

  3. Génial, comme toujours, Chef ! Je comprends que vous soyez excédé avec une équipe comme la nôtre !!

    J’ai bien compris le message pour le CR, j’arrêterai de trouver des excuses bidon la prochaine fois :)

  4. Très drôles les anecdotes du Chef !

    Pour les absents au cours d’Olivier Renet, la règle (de mémoire) c’est qu’un Fou placé au centre et soutenu par un pion, ça vaut bien une Tour !

    Pour toute l’équipe et ceux qui nous lisent, je crois savoir que toute démission doit être approuvée par le Président et connaissant bien le Président, je pense que nous ne sommes pas prêts de changer de Capitaine…

    Et c’est tant mieux !

  5. Très drôle et toujours original Chef !

    Désolé Chef pour l’incident de la crotte de chien, mais je vous assure CHef, vous avez marché dedans… En tout cas ça vous a porté chance !

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