Attention : le club a déménagé au 55 avenue Kellermann à Saint-Gratien !

[N3] Ronde 7 : Les échecs expliqués à ma femme (*)

(*) : Modifiez à votre guise « à ma femme » par « à ma copine », « à ma maman », à « tata Jacqueline », « à mon voisin de palier », « à Dédé mon buraliste », « à mon collègue Clotaire »…

—     Chérie ! (**)

(**) Là encore, l’Échiquier du Lac vous laisse remplacer, à cet endroit ainsi que dans la suite du texte, par la formule appropriée… et cohérente avec votre choix de l’astérisque précédente.

Donc, reprenons :

—     Chérie ! Je suis de retour !

—     Eh ben, tu en as mis du temps…

—     C’était un match compliqué. On a joué cinq heures au total !

—     Et tu as fait combien de parties pendant tout ce temps ?

—     Ben… une seule.

—     Je ne comprendrai jamais comment vous pouvez passer cinq heures à vous cramer les méninges comme ça… Vous ne préférez pas vous détendre et vous amuser le weekend ?

—     Mais… on s’amuse !

—     Franchement, quand je vois vos rictus de souffrance sur les photos, je me pose des questions. Enfin bon, j’espère que vous avez gagné ?

—     Malheureusement non. On a seulement arraché un match nul… Mais tu comprends, en face, c’était pas des peintres… je veux dire… c’était pas des touristes… Ils ont même un Maître International au premier échiquier, tu t’imagines ?

—     Pas bien, non.

—     Mais enfin, le mec, il a fait trois normes de MI… enfin, je veux dire… il est super fort, quoi ! Il a même sa page Wikipedia… c’est un pro !

—     Attends, tu veux dire qu’on peut vivre des échecs ? Passer sa vie à jouer ?

Chers lecteurs, comme vous le voyez, c’est le moment où la discussion pourrait tourner au dialogue de sourds. Mais admirez comment notre protagoniste reprend le dessus en étalant sa culture :

—     Tu sais, chérie, le Grand Maître Hans Ree a dit : « Chess is beautiful enough to waste your life on it », ce qui veut dire « Le jeu d’échecs est suffisamment beau pour qu’il vaille la peine qu’on y gaspille sa vie ».

—     J’avais compris.

—     Et au deuxième échiquier ils ont un Maître de la Fédération… c’est un super bon joueur aussi… Enfin bref on les a pris au sérieux. Le match avait plutôt bien commencé avec une solide prestation de Gégé qui a ouvert le score pour l’équipe, en dominant proprement son adversaire. Cette bonne nouvelle était suivie par une autre, puisque le 1er échiquier adverse était neutralisé par Antoine…

—     Ce garçon si sympathique et charismatique ?

—     Oui, oui, c’est bien lui. Malheureusement à ce moment le destin nous porta un coup fatal par trois fois. C’est d’abord le Panda, toujours pas sorti de sa crise de confiance, qui dut déposer les armes. Ensuite Kader a raté son zeitnot…

—     À tes souhaits.

—     Non, chérie, « zeitnot » est un terme du jargon échiq… du milieu des joueurs d’échecs. Kader, donc, rate son zeitnot car il est complètement perturbé par le fait que la pendule ne lui ait pas rajouté de temps au 40e coup. C’est une nouvelle règle de la Fédération depuis la rentrée : les 30 minutes supplémentaires gagnées au 40e coup ne sont plus ajoutées que lorsque le crédit de temps du joueur s’épuise une première fois. Cette règle un peu obscure a pour but d’éviter de donner aux joueurs une indication du nombre de coups effectués, mais elle a été sujette à des débats enflammés sur les forums échiquéens.

—     Je n’ai pas tout saisi, mais je comprends que vous avez des vrais débats de société dans le monde des échecs.

—     Ensuite, le Chef a loupé son ouverture anti-Najdorf…

—     Pardon ? Ça aussi, c’est du jargon pour initiés ?

—     Euh… oui… et là je vais avoir du mal à t’expliquer ça en quelques mots. Mais sache que le Chef s’est battu comme il a pu après avoir perdu une pièce, mais que c’était une cause désespérée.

—     Parce que, quand on perd une caisse…

—     Une pièce, chérie, pas une caisse.

—     Quand on perd une pièce, donc, c’est fini ?

—     En général oui, pour le commun des mortels. Mais certaines légendes vivantes, comme le Chef justement, ont déjà réussi à gagner avec une demi-paire de fous contre une paire de cavaliers. Heureusement, Réda remettait l’équipe en selle dans la foulée en ramenant le score à 3-2. Dans sa partie, il aura su jeter de la farine sur l’échiquier au bon moment.

—     « Jeter de la farine » ? Vraiment ? J’imagine que c’est encore un terme que seul un joueur d’échecs peut comprendre ?

—     Là non… Il faut vraiment faire partie de l’équipe de NIII d’Enghien… ou alors lire l’excellent site de l’Échiquier du Lac.

—     Si j’ai bien compté, on en est à 3-2 pour… qui déjà ?

—     Nos adversaires. Les Bagneusiens… non, les Bagnolais… non… les joueurs de Bagneux quoi.

[NDLR : on dit « les Balnéolais »]

—     Continue, chéri. Ce suspense est insoutenable.

—    Il nous restait deux parties encore en cours. Manu est également dans un grand jour et joue une partie complexe contre le redoutable 2e échiquier adverse. Il est possible que par manque de temps il ait raté une suite très prometteuse, mais le match nul glané par l’Enghiennois n’est que justice. Le sort du match était donc entre les mains d’Alain. Mais alors chérie, il faut que je te dise, les parties d’Alain, c’est toujours quelque chose d’incroyable. Toujours un vrai marathon. Souvent plus de 5 h de jeu et plus de 90 coups joués dont les deux tiers notés à peu près correctement :-)

—     Je rêve ou tu es en train d’essayer de faire un smiley à l’oral ?

—     Je dis ça pour chambrer Alain, parce qu’il ne connaît pas ses cases…

—     Et c’est grave ?

—     Ben… en fait non, mais c’est hallucinant qu’il ait atteint ce niveau sans pouvoir nommer les cases de tête ! Il me sidérera toujours !

—     Et donc, il a gagné ?

—     Oui, et nous avons eu droit à un festival de finales : d’abord une finale de pions et deux tours chacun, puis une finale de pions, puis une finale de dames et pions. Et grâce à la ténacité d’Alain, nous évitons la défaite. Cela dit, nos concurrents vont peut-être profiter de ce demi-faux-pas pour nous dépasser. La montée en Nationale 2 pourrait être compromise.

—     La Nationale 2, c’est la 2e division ?

—     Techniquement c’est la 3e division, derrière la Nationale 1 et le Top 12.

—     Ça me dépasse. Et c’est grave, si vous ne montez pas ?

—     Carrément pas ! On s’amuse bien tous ensemble, que ce soit en N4, en N3 ou en N2 !

—     Ne fais pas cette tête alors ! Et n’oublie pas qu’il est déjà 21 h et que ce soir c’est à ton tour de faire la cuisine…

7 commentaires.

  1. Et elle s’appelle comment ta chérie ? 😉

  2. Je n’y était pas, mais avec ton CR, c’est comme si !
    A la prochaine
    Olivier

  3. ^^

  4. Grand bravo à Géraldine, Alain, Antoine, Emmanuel et Réda qui ont suivi les instructions du chef. Carton rouge pour les trois autres.

  5. @ Manu

    Caïssa, bien entendu

  6. C’est toujours un régal de lire les CR de l’Echiquier du Lac!

    Bravo les gars.

    Olivier Chaigneau (CPE)

  7. Merci Olivier !

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